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Fondamentaux pour un “prendre soin” gérontologique
Les institutions pour personnes âgées ont vu évoluer leur clientèle durant la dernière décennie et accueillent une population âgée mixte : des personnes âgées non handicapées ; des personnes âgées handicapées physiquement mais lucides ; des personnes âgées présentant des déficits cognitifs et des démences, sans handicap physique ; des personnes âgées présentant des troubles de comportement d’ordre psycho-gériatrique
Les personnes qui posent problème ce sont celles qui présentent des troubles du comportement, «qui ont perdu la tête», car nous ne comprenons pas pourquoi elles ne sont plus comme nous, «logiques». Savoir comment nous sommes devenus «normalement» intelligents nous aidera à comprendre comment prendre soin des autres… et de nous-mêmes!
I – Comment sommes-nous devenus homo sapiens ?
1.1 « Le cerveau est-il vraiment indispensable ? »
Ce titre d’un article écrit en 1980, par le britannique Lorber, fit sursauter lors de sa parution. Lorber décrivait le cas d’un étudiant anglais, esprit brillant, titulaire d’une licence de mathématiques avec mention “très bien” et menant une existence normale. Ayant constaté que l’étudiant avait une grosse tête, le médecin de famille l’avait adressé à Lorber, spécialiste de l’anatomie du cerveau. Le scanner cérébral montra qu’il était hydrocéphale : son crâne était rempli de liquide céphalo rachidien, à l’exception d’une mince couche de tissu nerveux, d’un millimètre d’épaisseur situé à la périphérie. Cet étudiant n’avait que 140 g de cerveau soit le dixième du poids habituel (1100 à 1400 g)
Même observation pour 600 autres hydrocéphales examinés. Lorber considère que le cerveau a en réserve d’énormes possibilités et qu’il peut réaliser des prouesses.
Incidence sur les soins
Il n’y a pas de corrélation obligatoire entre la forme et la fonction :
on ne soigne pas un scanner cérébral on soigne une personne !
1.2 Comment l’intelligence humaine se construit-elle ?
1.2.1. On naît de l’espèce humaine… mais on devient humain : les autres nous font rentrer en humanitude.
« Le cerveau de l’homme comme lui-même naît nu. » Henry Laborit
Tous les cables sont présents mais le cerveau n’est pas fini. Les neurones ne sont pas tous en contact les uns avec les autres : il manque des synapses. Les relations entre les neurones se feront par l’intermédiaire des messagers chimiques, les neurohormones, sous l’effet des sensations perçues.
« Or ces synapses vont se construire dans le cerveau du bébé pendant les premières années et
elles seront d’autant plus nombreuses que les stimulations de son environnement seront elles-mêmes
plus nombreuses et variées. »
Il est décrit quelques exemples de jeunes enfants qui ont été abandonnés par leurs parents dans un espace où il n’y avait pas d’humain pour s’en occuper et qui ne sont jamais devenus des hommes. Ils n’ont jamais appris à marcher ni à parler. (ex : Victor l’enfant-loup de l’Aveyron et autres “enfants sauvages”)
Importance de la façon dont sera entouré un enfant au cours de ses premières années : «quand une synapse a pris naissance, elle demeure pendant toute une vie. Elle est indélébile » Henry Laborit
1.2.2 – Formation de l’intelligence
Bref rappel des théories explicatives de Piaget
Deux étapes principales :
L’intelligence sensori-motrice faite de sensations et d’expériences motrices qui permettent d’appréhender l’espace dans sa relation avec le corps : voir, sentir, entendre, goûter, toucher, marcher…
L’intelligence conceptuelle, dite intelligence humaine, qui permet d’imaginer. L’intelligence conceptuelle ne se forme qu’à partir de l’intelligence sensori-motrice, un peu comme les couches successives du tronc de l’arbre s’appuient sur le coeur de l’arbre.
Les potentialités cérébrales de la naissance sont plus ou moins optimisées en fonction de la richesse des sensations fournies par l’environnement familial, éducatif, ludique, culturel, spirituel, géographique dans l’enfance ; en fonction des types d’activités socio-professionnelles dans l’âge adulte ; enfin et on l’oublie souvent, selon la poursuite de l’utilisation des fonctions de l’organisme lors de la retraite.
Incidence sur les soins
Tout apprentissage laisse une trace dans les circonvolutions cérébrales, à tout âge.
1.3. Pour apprendre, comment utilisons-nous l’espace environnant ?
La proxémie s’intéresse aux rôle des distances chez l’homme, aux “bulles d’espace” composant la sphère corporelle. Voir le livre de Hall, La dimension cachée.
Notre perception de l’espace est dynamique parce qu’elle est liée à l’action qu’on peut accomplir dans un espace donné. Edward Hall a défini quatre zones qu’il a appelées intime, personnelle, sociale et publique, distances déterminées par les possibilités des intéressés de se saisir ou de s’empoigner par leurs extrémités supérieures.
La frontière physique de notre corps, la peau, n’est pas notre limite par rapport au monde environnant : nous nous déplaçons avec une partie de l’espace accroché à nous, sortes de bulles invisibles, qui règlent nos contacts avec autrui sans que nous en ayons conscience.
schéma : bulles d’espaces
La distance dite intime (variété proche) : la longueur de l’avant-bras replié, coude au corps. À cette distance :
Les mains peuvent se poser sur l’autre, la voix est moins forte, la chaleur et l’odeur de l’haleine de l’autre sont perçues…
Zone affective où les sentiments de l’émetteur sont perçus par le récepteur.
Si la distance intime est imposée mais non acceptée des mécanismes de défense sont mis en oeuvre. Exemple : l’ascenseur.
Le refus d’accepter l’autre dans cette bulle s’exprime par ” un tel, je ne peux pas le sentir”.
Incidence sur les soins
Le soignant, lors de la toilette, doit se mettre mentalement à la place du corps allongé dans le lit : accepterait-il que des mains prolongeant une blouse blanche aient le droit, sans son accord, de toucher le centre frisé de son intimité ?
Il faut demander la permission, proposer d’aider à faire au lieu de faire à la place, commencer par les zones neutres (les extrémités) avant d’investir le périnée.On fait la toilette d’une personnalité, présentant un ensemble de comportements qui en font un tout différent d’une autre.
Être admis dans la bulle intime doit être considéré comme un privilège, car certains en sont exclus. Exclusion exprimée verbalement ou par gestes (communication non-verbale qui doit entraîner une réflexion au lieu de déclencher un reproche).
Si une personne agitée menace de frapper, il faut se rapprocher d’elle, la prendre dans ses bras et non reculer. Reculer lui permet le geste d’armer son coup.
La distance personnelle : la distance d’un bras tendu.
Il s’agit de la limite d’emprise physique sur autrui, d’une zone sans contact qui sépare d’autrui.
À cette distance les traits du visage, l’expression des yeux, la texture de la peau, sont bien visibles.
Bulle protectrice pour s’isoler des autres, que nous laissons pénétrer ou non dans cette zone pour des raisons spécifiques. C’est la distance des relations interpersonnelles.
Le refus d’accepter l’autre dans cette bulle s’exprime par “un tel, je ne peux pas le voir”.
Incidence sur les soins
Manifester notre arrivée et approcher lentement par l’avant : le malade perd peu à peu la capacité de repérer les indices qui lui annoncent la venue des gens ; il risque d’être effrayé s’il est abordé par l’arrière.
Précéder les essais de communication de signaux qui montrent notre présence et éveillent l’attention de la personne. Cogner à sa porte, la saluer, se nommer évitent de la faire sursauter lorsqu’elle nous voit à la dernière minute.
Établir un contact visuel pour rechercher un signal d’éveil. S’il y a lieu, tourner doucement la tête de la personne pour capter son regard et ainsi obtenir un indice de réceptivité de sa part. Se placer à sa hauteur
Utiliser le toucher : en touchant physiquement la personne nous confirmons très concrètement, mais aussi très chaleureusement, notre présence ou nous nous rappelons à son attention. Y recourir si la personne réagit bien sinon s’en abstenir.
La distance sociale commence à la somme de deux distances personnelles. À cette distance
On n’a plus de pouvoir physique sur autrui et on ne perçoit plus les caractéristiques corporelles.
L’oeil voit surtout la bouche et les yeux de l’autre.
Distance de deux personnes séparées par un bureau pour des négociations impersonnelles.
Le refus de l’entrée de l’autre dans sa distance sociale s’exprime par ” j’ai pris mes distances”.
Incidence sur les soins |
Cette distance est celle du Soignant qui dirige une activité éducationnelle de groupe. Comme les personnes ont des déficits sensoriels il doit élever le ton de sa voix, amplifier les gestes explicatifs. |
La distance publique commence à 7 m environ. C’est la distance qu’impose le protocole des chefs d’état et celle de la scène du théâtre. Les signaux émis par le visage ne sont plus perçus et les communications non verbales passent par les attitudes et les gestes ; le discours doit être lent et très articulé. On dit d’un homme public “qu’il a le bras long” (emprise sur le monde environnant). |
Incidence sur les soins
Lors des fêtes rassemblant Résidents et famille (loto, fête) il faut “théâtraliser” ses gestes pour que les gens “du fond” reçoivent le message.
Les modalités d’utilisation de ces «distances», contribuent à la création des “us et coutumes”, partie d’une « culture ».
cf – Architecture : taille des tables
II. Culture, idées reçues et valeurs
“Ubuntu” est un ancien mot africain employé par Nelson Mandela dans son Autobiography. Il signifie “humanité aux autres”. et également “Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous”.
Culture : ensemble des préjugés et des jugements de valeurs communs aux hommes d’un certain lieu et d’une certaine époque.
Les «valeurs» que nous croyons être «personnelles», sont celles que depuis notre naissance les groupes auxquels nous appartenons ont introduit dans notre système nerveux.
Durant l’enfance et l’adolescence le cerveau va s’imprégner des idées et des comportements de sa famille (dont la mère est le centre), de son groupe social ensuite. Agir en conformité avec les comportements de son groupe permet de survivre dans le groupe.
L’adulte remet rarement en question les idées qui dirigent son comportement dans la vie : elles font partie de lui. Elles sont vraies. Il croit être né avec (personne ne se rappelle la période allant de la naissance à trois ans), or ce sont “les idées reçues”, des “clichés”.
Incidence sur les soins |
Chaque personne âgée a des idées reçues différentes en fonction de son milieu social, de son cursus professionnel.
Respecter les personnes, c’est respecter aussi leurs croyances, leurs idées reçues. Ce qui ne vous empêche pas d’exposer les vôtres, dans le cadre d’une discussion sans jugement de valeur. Se “poser” face à l’autre sans “s’opposer” lui montre qu’on le considère comme capable de tolérance : une communication saine doit laisser la place à la liberté de l’autre.
Mais, puisque l’intelligence s’acquiert par des expériences sensori-motrices un comportement intelligent doit pouvoir découler de la réflexion du cerveau supérieur sur le vécu quotidien.
Or les comportements sont difficiles à changer et ne répondent pas au discours logique….Mémoire des comportements ?
III. Le triple cerveau (Mac Lean)
Quand on examine un cerveau horizontalement, on constate une séparation en deux hémisphères, droit et gauche.
À cette division horizontale se superpose une différenciation verticale : du reptile à l’homme on voit se dessiner une progression quasi linéaire : des éléments nouveaux s’ajoutent progressivement aux éléments préexistants en les recouvrant. On peut distinguer trois cerveaux aux fonctions spécifiques : le cortex ou cerveau néo mammifère, le système limbique ou cerveau paléo mammifère et le cerveau reptilien ou cerveau archaïque.
Ces trois couches cérébrales empilées correspondent à une chose étonnante : nous avons en nous toute l’histoire de l’évolution de l’humanité.
Le cerveau reptilien
Le tronc cérébral, dit cerveau archaïque ou reptilien car il correspond au début de l’humanité au temps des premiers animaux qui, sortant de l’eau, se sont essayés à respirer : les reptiles.
Constitué de deux renflements situés au sommet du cordon médullaire il englobe la plus grande partie de la formation réticulée ascendante et l’hypothalamus. Identifié chez les reptiles, il peut se reconnaître chez les mammifères et aussi chez les humains.
Rôle : dans la survie de l’individu et à celle de l’espèce.
Maintien de l’équilibre intérieur (l’équilibre biologique) ;
Choix d’un territoire (sa défense, son marquage) ;
Sélection d’une place favorite, dominance ;
Établissement d’itinéraires, etc.
Incidence sur nos comportements
Qui n’aime pas être lézard au soleil ? Comme le lézard si on le tracasse se cache dans un trou du mur, qui n’aime pas avoir son coin à lui où se réfugier lorsqu’on l’agace ? Le lézard fuit devant le danger mais si on lui marche sur la queue il se retourne et mord : que faites-vous si on vous marche sur les pieds ? C’est le cerveau “action-réaction”.
Le cerveau reptilien c’est le cerveau des habitudes et de la survie : équilibre biologique certes mais aussi survie psychologique. Quand on n’a “plus rien à perdre”, quand on est “poussé à bout”, il sort. Et les paroles mordent : les mots causent des maux.
Il faut donc faire attention à ne pas faire sortir le serpent de l’autre et à ne pas être soi-même serpent mortel pour les autres. En somme, dans le relationnel : ne pas être “une langue de vipère”, “ne pas aller trop loin”, “ne pas pousser à bout”, mais être d’une prudence empathique pour éviter l’irrémédiable.
L’idéal dans les inter relations c’est de pouvoir dire “il n’y a pas de lézard !”
Incidence sur les soins
Les repas en salle à manger sont un temps fort de la communication même si l’expression verbale est absente. L’aide à l’alimentation demande que le soignant soit assis et utilise le toucher ainsi que la posture en écho.
Les malades atteints d’une démence de type Alzheimer, ont des réactions agressives inexplicables.Ils réagissent surtout aux stimuli cutanés et musculaires.
Ils marchent beaucoup et on doit employer le terme d’errance pour qualifier ce comportement de trottinage. Il est erroné de parler de fugue, car la “conscience” de la fugue est absente.
Ces malades comblent leur journée par un ensemble d’activités répétitives dont le trottinement est un exemple mais aussi les répétitions verbales, s’habiller/se déshabiller… et autres comportements compulsifs.
Le cerveau limbique
Dans l’histoire de l’humanité le reptile a évolué et est devenu mammifère. Évolution par l’adjonction d’une couche cérébrale au-dessus du cerveau reptilien, le cerveau dit “mammifère”, mamilien, paléocortex ou cerveau limbique.
Cerveau des mémoires, dont la mémoire des émotions : plaisir, récompense, punition, inhibition de l’action…
Le système de plaisir, exerce une action dominante sur notre vie mentale, intellectuelle, comportementale. De même que sa contrepartie négative, le déplaisir.
C’est le système limbique qui lance l’activation de la mémoire ancienne, stockée, en éléments de puzzle, dans tout le cortex.
Concerné par :
les relations sociales : empathie, appartenance sociale, compassion, vie de groupe.
les activités buccales, les activités sexuelles.
– La communication émotion /raison est à sens unique : les émotions ne sont pas sous le contrôle direct du cortex. La peur, la frayeur ne disparaissent pas par voie de raisonnement. Quand « ça vous prend aux tripes » un raisonnement ne peut rien changer. (schéma 2)
– La motivation, n’est sans doute pas autre chose qu’une stimulation limbique qui fait aller vers un événement, un objet, un apprentissage parce qu’il est perçu comme de nature à satisfaire des besoins de l’individu (bon, désirable, agréable). Ce n’est pas un état inné, c’est “un état d’esprit”.
Rôle sélectif majeur dans tout processus d’apprentissage.
Parmi le flot continu d’informations qui atteignent le cerveau, il détecte celles qui
sont intéressantes, qui peuvent créer un état agréable, ou celles qui sont nouvelles. Il favorise la réception de ces informations, stimulant les zones concernées du cortex en leur fournissant une énergie d’activation qui peut être considérable.
sont sans intérêt ou désagréables. Celles-ci sont plus ou moins inhibées.
Si on est intéressé on retient, sinon l’information « rentre par une oreille et sort par l’autre »
« Nous passons la plus grande partie de notre temps à éprouver des émotions. Non seulement nous subissons celles de notre vie quotidienne (contrariétés, déceptions, énervements, colères, plaintes, tristesse, deuils, découragements, etcÉ), mais nous les recherchons. Que demandons-nous à un film, à un reportage et même à nos hommes politiques sinon de nous faire rire ou pleurer, nous enthousiasmer ou nous indigner, nous révolter… bref de nous faire éprouver des émotions ? En éprouvant des émotions nous avons l’impression de vivre vraiment et d’être “spontanés”, sans nous rendre compte que nous sommes au contraire totalement manipulés par des mémoires enfantines ou ancestrales, vagues qui nous ballottent comme des coques de noix, quelquefois en houle délicieuse le plus souvent en tempête qui nous brise. Nous nous croyons sensibles alors que nous sommes émotifs, sensitifs » M. Nibart
(schémas : composantes d’un concept et engrammation)
Incidence sur nos comportements
Il donne la touche émotionnelle à notre expression verbale et non verbale : gestes vérités, expression de notre visage, déplacement dans l’espace…
Nous avons tous un coté «chat» : nous aimons tous les compliments, les félicitations, être reconnus. La dose quotidienne de “caresses” symboliques (ou strokes) dont nous avons besoin est variable pour chacun de nous. La dose minimale est qu’on nous dise “bonjour”
Certains ont un coté «cheval» : ils se cabrent systématiquement. Or, un cheval sent de suite si le cavalier a peur ou non. Avec le cheval, posez clairement les conditions de votre collaboration.
Il est possible de poursuivre avec la mule, le renard rusé… et autres expressions du langage courant : si la notion du triple cerveau est récente, l’observation des comportements a débuté avec le début de vie sociale, au néolithique.
Incidence en communication
Ce n’est pas par le raisonnement qu’on emportera l’adhésion : c’est en agissant. On n’arrange pas les choses avec des beaux discours : c’est en prouvant sur le terrain qu’on touchera le cerveau de l’autre.
Nous avons tous un coté «chat» : nous aimons tous les compliments, les félicitations, être reconnus. La dose quotidienne de “caresses” symboliques (ou strokes) dont nous avons besoin est variable pour chacun de nous. La dose minimale est qu’on nous dise “bonjour”
Le cerveau mammifère rumine ; tous les gens ruminent les idées et se souviennent. En particulier du premier contact. L’accueil du nouveau soignant est donc primordial. Tout le temps passé pour l’accueillir (montrer, expliquer, proposer de l’aide, donner des tuyaux) est du temps gagné pour la coopération à venir. Son cerveau mammifère se souviendra longtemps de la sympathie qu’on lui a manifestée. Dès le premier jour, lorsqu’il retournera chez lui, au volant de sa voiture, il commencera à ruminer l’accueil… qu’il ruminera encore lorsque sa famille lui demandera “Alors, comment ça c’est passé ?”
Les informations qui arrivent par les yeux, le toucher, les oreilles parviennent au cortex par le filtre limbique. Le contexte émotif entourant l’information, l’ambiance dans laquelle on la reçoit, renforcera ou inhibera le message. Tout est filtré, sélectionné, déformé en fonction du contexte : quand “ça vous prend aux tripes” le contenu intellectuel du message s’engrange tout seul. Quand on rumine un souci, rien ne passe.
Incidence sur les soins
Si les Résidents n’ont rien à percevoir, ils ressassent une idée fixe, la ruminent. Si vous dites :”Ils ne pensent qu’au repas”… vous devez recadrer le projet de soin !
La bonne humeur est contagieuse. Elle active l’intérêt porté à l’environnement, facilitant l’apprentissage.
La musique caresse. Caresses, vibration musicale du corps, donnent envie de vivre.
Le langage du corps confirme ou infirme le verbe.
L’accueil chaleureux du Résident (et de sa famille) est d’une importance capitale : acceptation de l’institution puis adaptation
La qualité de l’accueil du nouveau Soignant. Primordiale, elle rentre dans les facteurs favorisant la motivation.
Incidence en management d’équipe
On travaille mieux quand :
1 – on va au travail avec plaisir ou tout au moins sans déplaisir.
2 – on a une activité de recherche.
3 – le travail est socialement reconnu donc gratifiant.
4 – dans son action on découvre le sens de ce qu’on fait.
5 – il est permis d’organiser les détails des actions selon sa personnalité.
6 – on n’est pas angoissé.
7 – on est en situation de sécurité dans l’équipe.
8 – on est placé devant la nécessité de trouver des solutions plutôt que d’utiliser la même solution apportée par d’autres.
9 – le but à atteindre paraît accessible eu égard aux résultats intermédiaires.
10 – son statut dans le groupe est positif. Être ignoré est inhibant.
11 – la définition du rôle, clairement déterminée, n’empêche pas d’interférer dans la hiérarchie selon sa compétence.
12 – on sait que l’apprentissage du travail actuel est transposable ailleurs (entreprise, ou association) et affine l’intelligence (l’efficacité).
« L’affectivité est la clé des conduites motrices »
Le néo-cortex
Anatomiquement les deux hémisphères sont à peu près identiques. Mais dans leur fonctions ils sont différents : spécificité de chaque hémisphère, droit et gauche. À gauche, l’analyse. À droite, la synthèse.
Monde du langage, du symbole, de l’abstraction. de l’art et du discours.
Recevant son information principalement de l’extérieur, par les yeux, les oreilles et les récepteurs périphériques somatiques, le néo-cortex gouverne la discrimination sensorielle et la pensée rationnelle à la façon d’un ordinateur, dépourvu de «coeur», de sensibilité.
schéma de la perception
Cerveau de la réflexion, de l’adaptabilité et de la variété.
Permet la parole, fait des analyses, associe les idées pour inventer, etc.
C’est le cerveau qui contrôle les deux autres : il permet de maîtriser et de gérer le cerveau animal.
Un être humain n’est pas un corps d’homme mû par une tête de dinosaure. Même s’il existe des structures existant chez le dinosaure, l’usage que l’homme en fait n’est pas de même nature. (Par exemple, lorsque nous avons faim nous ne nous précipitons pas sur une proie : nous pouvons choisir nos aliments, les préparer, et inviter des amis à les partager.) Mais le cerveau animal a de l’influence. Il faut que “je me méfie de mon tempérament ” dites-vous.
Un cerveau «cortex seul», pure intelligence, n’existe pas les trois cerveaux fonctionnent en même temps.
Incidence sur nos comportements
Le traitement des informations est effectué par le cortex en entier, mais la première approche peut être réalisée différemment, selon que la personne a une préférence cérébrale gauche ou droite.
Préférence Gauche : analyse le problème et en déduit la solution .
Droite : voit le problème et en saisit la solution sans l’aide du raisonnement.
Incidence en communication
Pour un public divers utiliser des modes de présentation qui facilitent l’apprentissage : apporter la même information successivement en mode gauche (analysées) et en mode droit (imagées). Ou l’inverse.
Systémique cérébrale
Le cerveau est un ensemble fonctionnant de manière unique en utilisant les propriétés de ses trois parties : le cerveau reptilien, le cerveau limbique et le néo cortex.
Le cortex, non achevé à la naissance est le cerveau éducable. Siège des facultés intellectuelles, du langage et de la conscience, c’est lui qui permet la pensée humaine. Privilège exclusif de notre espèce, la zone préfrontale est le lieu de traitement et d’intégration des informations, de choix et de décision, d’organisation des actions, d’unification de la personne. Il réalise ses performances en traitant de l’information apportée par le milieu intérieur et l’environnement.
L’information selon sa tonalité émotionnelle sera mise en parallèle ou non, avec les informations stockées en mémoire depuis la plus tendre enfance. Elle entraînera en réponse la vigilance ou l’indifférence.
Le cerveau constitue un “système” : ensemble relativement stable d’éléments en interrelation dynamique, tels qu’une modification d’un des éléments entraîne une modification de tous les autres.
Essai – schéma : Hiérarchie des besoins selon Maslow et cerveau pluriel, triple et unique
IV – Attendus pour un projet de soins cohérent
1° – « Le cortex de l’homme, comme lui-même naît nu. » Henri Laborit
2° – L’intelligence se construit et s’entretient en utilisant les informations fournies par :
les récepteurs du monde externe, (organes des sens ou extérocepteurs). Importance des informations provenant de l’entourage humain (rôle des distances) et de l’environnement matériel (objets, lieux).
les récepteurs situés dans le corps (intérocepteurs situés dans les muscles, articulations, os, viscères) Ce sont eux qui donnent par exemple, la sensation de vessie pleine.
3° – Ces récepteurs fonctionnent au mieux lorsque le corps est en position debout et en mouvement. Pour se maintenir en bonne santé… il faut vivre debout et si possible redressé (attentif au monde)
4° – Parmi le flot de stimuli qui sont envoyés par les récepteurs, le cerveau limbique filtre et sélectionne ceux qui sont intéressants puis, les fait parvenir à la zone du cortex concernée, qui les transforme en perception. Après analyse naît une sensation qui conduit à un comportement mémorisé ou nouveau.
5° On peut établir une correspondance générale entre : le cerveau pluriel (triple et unique à la fois) ; l’échelle de la hiérarchie des besoins d’Abraham Maslow .
De tous ces attendus de la systémique cérébrale découle le choix d’une base des soins préalable à la formalisation du projet de soins .
Le XXI siècle sera celui du cerveau « continent nouveau » selon l’expression adoptée par les organisateurs de l’Exposition “La Fabrique de la Pensée”, à la Cité des Sciences et de l’Industrie, à Paris, en 1989.
« Quand tu me laisses au lit et que tu fermes la porte de ma chambre, tu fermes les portes de mes sens.
Si tu fermes les portes de mes sens, tu fermes la porte de mon contexte (l’environnement matériel et l’entourage humain qui m’ont fait entrer et me maintiennent en humanitude)
Si tu fermes la porte de mon contexte, tu fermes la porte de mes savoirs (savoir-observer le contexte ; savoir-reconnaître : savoir-percevoir les normes de fonctionnement du vivant ; savoir-organiser : savoir-comparer, savoir-trier, savoir-sélectionner ; savoir-interpréter : donner un sens à partir de ce que j’ai été, ce que je suis, ce que je veux être ; savoir-choisir ; savoir-créer avant de pouvoir échanger ; savoir-exprimer, prendre position par le verbal et le non-verbal.).
Si tu fermes la porte de mes savoirs, tu fermes la porte de mon autonomie (savoir-faire ; savoir-comprendre : savoir entrer en relation, en résonance ; savoir-intégrer : savoir globaliser le réel ; savoir-communiquer : savoir-Être.).
Si tu fermes la porte de mon autonomie, tu fermes la porte de ma structuration mentale.
Si tu fermes la porte de ma structuration mentale, tu fermes la porte de mon ÊTRE, être moi parmi les humains. » Lucien Mias
Ce texte sous forme d’affiche : “Les portes cérébrales” pour impression pleine page
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– Ehrenfried, De l’éducation du corps à celle de l’esprit, Aubier, Paris, 1988, 148 p.
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Piaget – Proxémie – Culture – Triple cerveau (reptilien-limbique-cortex) – Projet
28/09/ 1995
Dr Lucien Mias